29 mars 2006

(Dans le métro tout à l'heure, j'ai pensé que je voulais des instants qui durent plus longtemps.)

24 mars 2006

Tout le restant m'indiffère J'ai rendez-vous avec vous

On se donne rendez-vous devant l’opéra. C’est bien, l’opéra, comme lieu de rendez-vous. C’est pas l’hôtel de ville, c’est moins "officiel", plus "culturel", et puis y’a de la place, y’a des marches pour s’asseoir, des réverbères auxquels s’appuyer. Y’a la bouche de métro à deux pas. C’est intergénérationnel - c'est un mot à la mode, ça, non ? -, devant l’opéra. Il y a les rappeurs avec leur poste radio sur l'épaule, sur le parvis ; il y a ce couple un peu âgé qui s'approche peut-être trop près de l'affiche pour voir le programme.

Il est 19h50. Je t'attends.

Il ne fait même pas froid. J'ai sorti mon bouquin, mais il n'est pas passionnant. Un métro arrive, en trois secondes, les escaliers sont noirs de monde. Je te cherche du regard. Je ne te trouve pas.

Je repère une fille avec une écharpe noire. Une dame d'une élégance rare me frôle, longue jupe noire, cheveux savamment noués, elle a une prestance. Quelque chose. A quelques pas, une femme est plongée dans Le petit paumé, sans doute à la recherche d'un endroit où elle pourrait emmener... ah ben justement, cet homme qui vient de la rejoindre ! Ils s'embrassent et se dirigent vers les Terraux.

Je jette un coup d'oeil à ma montre. 20h05. Je m'impatiente un peu. Mon portable sonne, c'est toi, tu dis "je sors juste de chez moi, là...", je râle un peu, pour la forme, je dis que tu ne pourras plus jamais me dire que je suis la reine des retards, parce que d'abord c'est faux, et en plus, tu es pire que moi !

La fille à l'écharpe noire fait des va-et-vient, elle a l'air un peu nerveuse, elle demande du feu à un garçon qui passe, elle tremble pour allumer sa cigarette, peut-être qu'elle attend quelqu'un. Quelqu'un qu'elle ne veut pas voir ; ou bien quelqu'un qu'elle doit voir, mais ils se sont dit avant "il faut qu'on parle", alors ça donne un peu un goût amer au rendez-vous.

Un monsieur passe en vélo sur le trottoir, il klaxonne, et une fille marche à grandes enjambées à côté ; contre la rampe du métro, une demoiselle refait en vain son chignon, et au bout d'une dizaine de tentatives, laisse ses cheveux lâchés. Ca lui va mieux comme ça. Derrière moi, deux hommes parlent d'un déjeuner d'affaires.

Sur ma droite, deux femmes attendent un monsieur qui se fait largement désirer ; quand enfin il arrive, la première fait les présentations, mais avant s'écrie "ah ben bravo, on va être mal placés à cause de toi", et lui prend un air tout penaud. Ils s'engouffrent tous les trois dans le métro.

20h10. Je reste là. J'imagine la vie des gens. Ce(ux) qu'ils attendent. Leur journée. Ce qui les attend aussi. Leur soirée. Je les dévisage en catimini. Je m'emplis d'images. C'est bien, les rendez-vous devant l'opéra.

Le groupe de rappeurs s'agrandit à chaque minute, y'en a un au milieu qui fait des figures de hip-hop. Il a ses fans dans le coin. Un homme fixe un plan pendant une longue minute pour finir par le changer de sens. Une fille fait des ronds de jambe sur le sol en regardant ses pieds.

Deux jeunes filles se dirigent vers un jeune monsieur tout déguingandé qui les salue avec un "mesd'moiselles...", et elles répondent par un sourire. Je ne t'attends plus, je t'oublie. Ce sont les autres que j'attends, leurs expressions, le brouhaha des conversations, les mimiques. Parfois, je baisse la tête sur mon bouquin, je tourne la page. Je ne sais même pas de quoi ça parle.

La fille à l'écharpe noire est au téléphone, elle ne parle pas, elle écoute, son visage est impassible. Elle s'appuie contre le pilier. Elle range son portable, boutonne son manteau. Elle regarde le ciel. Elle attend.

Il est 20h25. Tu es là, tu t'excuses, je fronce les sourcils "oh ben non, t'aurais pas pu arriver plus tard, du coup, je ne sais même pas qui elle attend, cette fille à l'écharpe noire..."

20 mars 2006

Je reprendrai la route Le monde m'émerveille J'irai me réchauffer A un autre soleil

C'est bien le premier jour du printemps. On veut croire qu'il ne fait plus froid, et on prend même le risque de tomber malade, "avril, ne te découvre pas d'un fil", mais là on est en mars, alors on ne peut rien dire. On veut croire qu'il ne fait plus froid, et c'est encore mieux si c'est un peu vrai. On ose enlever le manteau, sortir juste avec un pull ; un gros, certes, mais quand même. Sans épaisseur supplémentaire. Sans rien de trop. On est un peu plus libre de ses gestes. Rien ne pèse. Les écharpes se déserrent, et la vie a des couleurs un peu différentes. Un peu moins diluées peut-être.

Finalement, peut-être que ce premier jour sera un peu plus morose que la veille, les températures un peu plus fraîches, mais au fond, on s'en fiche. Ce qui compte, c'est de savoir que cette fois, c'est le printemps, qu'on n'aura même plus à faire semblant, que l'hiver est bel et bien fini, qu'on n'en entend plus parler pendant un an. Le premier jour du printemps, c'est un signal. Un avant-goût de ce qui attend.

Et. S'il se met à pleuvoir quand on rentre seul dans la nuit, c'est encore mieux. Mais pas n'importe quelle pluie. Une de ces pluies comme après les longues journées trop chaudes de juin, où le ciel est si lourd qu'on a l'impression qu'il ne tiendra plus longtemps là-haut, et qu'il éclate finalement, en fin d'après-midi, alors qu'on a guetté pendant des heures, et ce sont de grosses gouttes tièdes qui s'écrasent sur les vitres. C'est bien l'odeur de la pluie sur le goudron trop gris. Ce n'est pas une pluie sale, pas une de ces pluies qui rend la ville boueuse, non, une pluie légère. Contre laquelle on n'a même pas envie de se couvrir. De toute façon, il faisait tellement beau quand on est sorti, qu'on n'a rien prévu. Même pas une capuche, et encore moins un parapluie. Et puis on n'est pas en sucre. Et c'est pas si souvent, les pluies qui rendent vivant.

C'est bien le premier jour du printemps, surtout quand il se met à pleuvoir en rentrant.

16 mars 2006

{Réflexion àlacon}

Je me demande comment autant d'énergie peut tenir dans un type aussi petit.

(Récit, plus tard, peut-être.)

(Ah et puis. C'était énorme, hein.)

14 mars 2006

"J'ai avalé un boomerang ou quoi ? J'arrête pas de sourire."
L'Inattendu, F. Melquiot.

(Demain, Bénabar.)

10 mars 2006

Y'a des lumières la nuit On boit des demi-citrons Et on s'photographie

"Do you always wait for the longest day of the year and then miss it ?"
(The Great Gatsby, Fitzgerald)

Elle m'a fait sourire, cette phrase, parce que c'est un peu ça, un peu vrai. Qu'on le guette, ce jour là, juste pour voir la différence, juste pour voir à quelle heure il fera vraiment noir, et même si c'est presque imperceptible, le changement avec la veille ou le lendemain, quand même, ça fait quelque chose.

Les "21 juin" se rappellent des pas dans les rues, des partitions au-dessus d'un orgue, des débuts d'été et des bières ; et en fait, c'est drôlement bizarre, parce que quand je pense au 21 juin, je pense à l'Irlande. Ce qui est absolument stupide puisque je n'y ai jamais mis les pieds au mois de juin. (Faudrait y remédier d'ailleurs, un d'ces quatre. Bref. Je dévie, là...). Donc. L'Irlande un 21 juin. En fait, ça devait être un 13 août ou quelque chose comme ça, mais on s'en fout, c'est pas ça qui compte.

Il y avait les percus qu'on entendait au loin et ce monsieur avec sa guitare et ses putains de yeux bleus, des bras qui se serraient et les gens qui s'arrêtaient peu à peu, je ne sais plus combien de temps on est restés, là, à l'écouter, vraiment, je ne sais plus ; il y a de ces souvenirs qu'on oublie, qu'on déforme et qu'on mélange, mais ça reste bien, toujours. Mon 21 juin à l'irlandaise avait les lumières de Dublin sur la Liffey, et des rires dans les rues de Temple Bar.

C'était pas la fête de la musique. Ca y ressemblait bien pourtant.
C'était pas le jour le plus long de l'année. On y aurait presque cru.

Mes "21 juin", les vrais, se racontent sur les quais, dans les ruelles du Vieux-Lyon, mes "21 juin" sont toujours trop courts, et si vous pouviez m'expliquer comment ça s'fait...

En fait, le plus long jour de l'année, c'est bien. Mais quand même, si y'en avait plusieurs, ce serait mieux.

05 mars 2006

Je garde au fond du ventre Cette boule

Je n'arrive pas à savoir quand c'était, ce jour où j'ai réalisé que décidément, tous les dimanches avaient un goût un peu similaire.

Une journée aux bols de thé brûlant, aux cahiers en vrac, au dictionnaire de latin pas loin. Aux minutes au téléphone trop nombreuses (avec Louis au bout du fil, c'est un peu obligé), aux cds écoutés en boucle. Quelques mots dans un carnet, un début de lettre. Des mails pour de futurs projets, de la fatigue qui borde les yeux.

Les dimanches ont du temps élastique à revendre, des heures qui semblent de trop. Les mots sont calmes, la chambre un peu silencieuse.

Je n'arrive pas à savoir quand c'était, ce jour où j'ai réalisé que décidément, tous les dimanches avaient un goût un peu similaire. Les dimanches s'égrainent, en temps présent à penser à demain, en temps présent pour soi, des minutes à recoller des morceaux d'âme.

Tous mes dimanches ont un goût un peu similaire
(mes souvenirs sont cousus de sourires, puisque j'vous l'dis, rien ne se perd.)


ps : mélie, 17 ans, aime faire des posts incompréhensibles sans expliquer ce qu'il y a dedans.